14 juil. 2013

Antoine Dalibard, Game Designer chez Cyanide

Il ne reste plus que cinq jours pour me soumettre vos Game Concepts ! D'ailleurs, plusieurs propositions intéressantes ont déjà été validées et seront bientôt soumises au vote. Vous semblez prendre goût au métier de Game Designer !

Mais... comment c'est, d'être Game Designer, en vrai ?

Je suis allée rencontrer pour vous Antoine Dalibard, qui est Game Designer chez Cyanide, un studio de développement Français basé à Nanterre. Antoine travaille sur deux titres bien spécifiques : Pro Cycling Manager, dont le dernier opus vient de sortir sur PC, et Tour de France, disponible sur Xbox 360 et PS3.



Interview

Bonjour Antoine, merci d'être venu faire un tour sur la Petite Fabrique de Jeu Vidéo ! On va commencer par les présentations : peux-tu nous raconter rapidement comment tu es devenu Game Designer chez Cyanide ?
J'ai commencé avec une licence en administration économique et sociale, qui n'a donc rien à voir avec le jeu vidéo ! Je suis ensuite devenu cycliste professionnel pendant 5 ans. A la fin de ma carrière de cycliste, j'ai repris une formation en Game Design à Supinfogame. J'ai eu un stage chez Cyanide et, à la fin de mon stage, ils m'ont proposé un contrat.
Pro Cycling Manager 2013
Pro Cycling Manager 2013
Tu étais cycliste professionnel... et aujourd'hui tu travailles sur des jeux de cyclisme. Est-ce que c'était voulu ?
Ça s'est fait par hasard : je voulais faire du jeu vidéo de manière générale. Quand j'ai postulé pour un stage chez Cyanide, je voulais travailler sur A Game of Thrones, un jeu de rôle qui était en développement chez eux à l'époque. Mais les gens qui connaissent bien le vélo sont rares et mon profil les intéressait beaucoup pour Pro Cycling Manager. Ça m'allait, donc j'ai accepté.
En ce moment sur la Petite Fabrique de Jeu Vidéo, les internautes sont en train de faire le Game Concept de notre futur jeu... Comment ça se passe pour toi ? Est-ce que tu fais des Game Concepts aussi ?
On ne peut pas parler de Game Concept : Pro Cycling Manager, c'est une simulation de sport, donc le Game Concept, c'est la vie réelle !
On fonctionne plutôt par cible. Ce qu'on veut retranscrire, c'est l'expérience utilisateur. Pro Cycling Manager est un jeu "hardcore", qui vise un public de connaisseurs : on doit donc faire en sorte que les passionnés de cyclisme y trouvent leur compte. Tandis que Tour de France est un jeu plutôt arcade, fun. Ce que le joueur veut, c'est avoir la sensation d'être à vélo et de se balader. Ils n'ont pas envie de se préoccuper de réglages compliqués. C'est donc à nous, les Game Designers, de réfléchir en terme d'expérience qu'on veut offrir.
Concrètement, comment ça se passe ? Quel est ton travail au quotidien ?
Au quotidien... je ne peux pas vraiment le dire, ça change un peu tous les jours. Mais sur la production d'un jeu, il y a environ quatre grande phases.
La première phase, c'est juste après la sortie d'un nouvel opus : elle consiste à faire un état des lieux du jeu qui vient de sortir. On écoute les retours des joueurs et les critiques, on fait le tri et on essaye de comprendre leur ressenti pour améliorer le jeu. On prend aussi en compte ce que nous, en tant que Game Designers, on a envie d'offrir de nouveau au joueur. Et puis on écoute l'avis du reste de l'équipe, qui a aussi des envies et des idées à proposer.
Pro Cycling Manager 2013
La phase suivante, c'est logiquement de mettre tout ça en forme. Par exemple, le vélo est une discipline où il y a beaucoup de rebondissements. Comment va-t-on faire ressentir ça au joueur ? Il faut donc conceptualiser les idées.
Pendant la troisième phase, on travaille beaucoup avec les programmeurs. Il faut être présent en permanence pour répondre à leurs questions et s'assurer que ce qu'ils construisent correspond bien à ce qu'on avait imaginé. Le dialogue permet d'éviter les dérives du jeu.
Et enfin vient la dernière phase, le test et l'équilibrage. On doit vérifier que ce qu'on a prévu fonctionne bien et répond à ce qu'on voulait offrir au joueur. 
 Qu'est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ? Et qu'est-ce qui te plaît le moins ?
Le moment le plus agréable, c'est quand le jeu sort et qu'on a le retour des joueurs. Evidemment, les retours positifs, c'est du bonheur ; les retours négatifs ça devient un échange pour la suite, ça nous permet d'essayer de comprendre ce qui n'a pas fonctionné.
Les jeux Pro Cycling Manager sortent à un an d'intervalle, ce qui fait à peu près 9 mois de développement si on enlève la phase de débug et de test où ça ne bouge plus trop. C'est très court ! Quand le jeu sort, on a toujours des doutes sur des aspects où on n'a pas eu le temps d'aller jusqu'au bout de nos idées... Des fois les joueurs rejettent en bloc nos nouveautés, alors il faut comprendre pourquoi et trouver comment faire mieux.
Il faut souvent faire des choix difficiles, parce que même si ces idées nous tiennent à cœur, au final, c'est toujours le joueur qui a raison. Ce que j'aime le moins, c'est que le temps de développement est trop court : j'aimerais que le Tour de France n'aie lieu que tous les deux ou trois ans pour nous laisser le temps de faire plus de choses !
Quand on parle de créer un jeu vidéo, beaucoup de gens pensent d'abord au scénario... Comment ça se passe sur un jeu comme le vôtre ?
Pro Cycling Manager 2013
Dans Pro Cycling Manager, il n'y a pas de scénario... et c'est ce qui fait toute sa richesse ! Le "scénario" est écrit par l'intelligence artificielle et le comportement des joueurs. On a déjà fait des tentatives pour scripter un peu le déroulé du jeu, mais ça ne plaît pas forcément aux joueurs parce qu'ils veulent écrire leur propre histoire. Parfois ils nous racontent ce qu'ils ont vécu : ils s'approprient ce qui se produit pour lui donner une connotation narrative. Pour nous qui savons ce qu'il y a derrière et pourquoi ça s'est passé comme ça, c'est toujours assez particulier à entendre !
Pour terminer, quel conseil donnerais-tu à ceux qui sont sur la Fabrique et qui pourraient avoir envie d'être Game Designers un jour ?
Faites des jeux ! C'est en essayant qu'on apprend plein de choses. Forcément, on fait des erreurs, mais plus on pratique et mieux on s'en sort.
Dans ce métier, chaque Game Designer est différent parce que chaque jeu est différent. C'est aussi un métier qui évolue beaucoup, parce que la technologie évolue très vite. Donc il faut faire des jeux pour faire des erreurs.
En plus, quand on écrit un Game Concept, il y a forcément des erreurs puisque ce n'est pas interactif : on ne peut pas savoir si ça marche sans avoir essayé ! Commencer par ce blog, c'est déjà une très bonne façon de commencer : ça vous donnera des outils pour la suite, si jamais vous avez envie de continuer !

3 commentaires :

  1. Les images du jeu sont tellement réalistes que j'ai cru que c'était des photos au début...

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  2. C'est marrant parce que j'imagines que plus un concept de jeu vidéo se rapproche de la réalité, plus c'est difficile de faire un Game Concept

    C'est une sympathique interview en tout cas !

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  3. Le passage sur le scénario est très intéressant. Merci pour ce témoignage.

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